Quarante ans d'art urbain dans les villes nouvelle

Publié le par Philippe Chaudoir

Quarante ans d’art urbain dans les villes nouvelles (1968-2008)

 

 

9ème journée du Groupe de Recherches interdisciplinaires de Saint-Quentin-en-Yvelines

 

 

 

Lettre de cadrage

 

 

 

 

Fondé en 2001, le Groupe de recherches interdisciplinaires de Saint-Quentin-en-Yvelines réunit différentes institutions intéressées à l’histoire des villes nouvelles françaises (Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Ecole d’architecture de Versailles, Musée de la Ville de Saint-Quentin-en-Yvelines, Archives départementales des Yvelines). Composé de chercheurs issus de disciplines complémentaires (histoire, architecture, sociologie, anthropologie) et ouvert à d’autres ponctuellement (droit, histoire de l’art, inventaire, etc.), le GRISQY est institutionnellement rattaché au Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines. Il a organisé depuis sa création huit journées d’études dont certaines ont été publiées.

 

Dans le cadre de son programme de recherches, le GRISQY souhaite organiser en juin 2008 une journée d’études sur l’art urbain dans les villes nouvelles françaises. Plusieurs raisons nous ont conduit à nous pencher de nouveau sur un thème, qui avait fait il y a une quinzaine d’années, l’objet d’une importante exposition au Musée national des Monuments français (29 septembre-15 novembre 1992) suivie d’un colloque intitulé « L’art renouvelle la ville ». Alors que les travaux menés aux débuts des années 1990, sous l’égide de Georges Duby, Monique Faux et Gilbert Smadja conduisaient à célébrer la réussite exemplaire des neuf villes nouvelles et d’un nombre restreints de nouveaux ensembles urbains ( La Défense , Grenoble-Eschirolles) en matière d’art public, la situation nous semble aujourd’hui plus problématique. Pour certaines villes nouvelles, comme Saint-Quentin-en-Yvelines, l’art public urbain fait aujourd’hui office de patrimoine. La ville a obtenu en juin 2006 le label « Ville d’art et d’histoire » et réalisé en janvier 2007 une carte du patrimoine urbain sur laquelle sont notamment recensées les œuvres installées dans les années 1970-1990. Mais ce cas de figure est loin d’être généralisé. L’inventaire exhaustif de l’art public urbain en villes nouvelles n’existe pas à ce jour, laissant planer le doute sur l’avenir d’un certain nombre d’œuvres exposées. Alors que les chercheurs des années 1990-1992 semblaient pointer l’évidence d’un processus qui avait conduit l’art à occuper une place centrale dans la programmation urbaine, nous constatons aujourd’hui que nombre de promesses n’ont pas été tenues (œuvres inachevées comme l’Axe majeur de Dani Karavan à Cergy-Pontoise, malgré l’inauguration en 2006 d’une nouvelle « station », œuvres dégradées voire volées) et que l’intégration des arts à l’urbanisme ne constitue plus la règle des constructions en ville nouvelle.

Il nous a donc semblé intéressant de ré-interroger le sens de cette expérience, qui constitue un moment identifié de l’histoire des villes nouvelles. Pour ce faire, trois angles d’attaques ont été définis

 

Que connaissons-nous des origines de l’art public dans les villes nouvelles ?

 

 

            Notre savoir est aujourd’hui étroitement dépendant de la mémoire d’un certain nombre d’acteurs (Monique Faux, Denys Chevalier, Gilbert Smadja, Jean-Eudes Roullier) qui ont été étroitement associés à la décision et à l’accompagnement de l’art public dans les villes nouvelles, dans les années 1970-1980. Comment passer de cette connaissance au repérage plus complet des réseaux ministériels (Culture, Equipement, Environnement, Jeunesse et Sports) et interministériels (SGVN, FIC, …) sollicités à cette époque ? Existait-il des liens entre la création publique dans les villes nouvelles et celle des grandes ZUP mises en œuvre dans les années 1960-1970 (Le Mirail, Villeneuve de Grenoble, Hérouville-Saint-Clair,…) ? En quoi cette commande publique différait-elle des expériences antérieures conduites par exemple par la SCIC dans les grands ensembles ?

            Cette connaissance nécessite d’articuler ce qui relève de la bibliographie (catalogues d’expositions, monographies d’artistes), du repérage documentaire des œuvres (services de l’Inventaire) et de la connaissance des sources archivistiques (délégation aux arts plastiques, etc.). Alors que dans les années 1990, on privilégiait une approche nationale de l’art urbain, ne s’oriente-t-on pas aujourd’hui vers une connaissance territorialisée, produite selon des modalités et des finalités différentes selon les villes et les régions ? En d’autres termes, comment rétablir la cohérence d’un fonds dont on sait qu’il a fait l’objet de nombreuses circulations artistiques ?

 

 

Quelle est l’originalité de cette expérience artistique ?

 

 

Depuis la Renaissance , l’art entretient avec la ville des rapports privilégiés. La statuaire est un des éléments de la composition urbaine et l’on avait même craint sous la Troisième république les effets pervers de la statuomanie. A cet égard, l’expérience des villes nouvelles permet de renouveler la problématique de l’art public. Contemporaines de mouvements artistiques s’interrogeant sur le statut même de l’œuvre d’art (Arte povera, minimalisme, Support/Surfaces, Land art, etc.), les villes nouvelles s’ouvrent sans hésiter à l’avant-garde de la jeune sculpture, permettant à une génération d’artiste (Marta Pan, Nissim Merkado, Dani Karavan, Piotr Kowalski, etc.) de réaliser des projets d’envergure.

            Peut-on aujourd’hui évaluer l’apport de ces œuvres à l’histoire de l’art ? Ces œuvres ont-elles une spécificité où sont-elles au contraire représentatives de ce qui se fait ailleurs (rénovations urbaines) à la même époque ? Que signifiait pour les artistes concernés le fait de travailler en ville nouvelle ? Comment passer de la perspective monographique, fut-elle brillante (Pierre Restany sur Dani Karavan) à l’inscription des productions en villes nouvelles dans les courants artistiques majeurs de leur temps ?

            Comment surtout rendre compte de l’originalité d’un travail qui a associé des plasticiens, des architectes, des paysagistes et des urbanistes ? Comment dépasser le schéma strictement biographique des bonnes ou mauvaises « relations » entre les uns (Dani Karavan) et les autres (Ricardo Bofill) pour restituer la polyphonie de la production plastique de la ville sur certains sites d’exception ? Cette expérience, qui a pu bénéficier du régime particulier des villes nouvelles (établissements publics d’aménagement) est-elle transposable ? A-t-elle été transposée en d’autres lieux ? Qu’en ont tiré les différents protagonistes ?

            Comment aussi rendre compte de la durée de cette expérience qui s’étale sur près de 25 ans, des premiers symposium de la Forêt de Sénart (1972) aux derniers quartiers des villes nouvelles (Villaroy à Guyancourt, Val d’Europe, Cergy-Saint-Christophe, Carré Sénart, etc.) ? Si certains artistes, à l’instar de Dani Karavan ou Marta Pan traversent tout ou partie de la période, d’autres (Gérard Singer, Tloupas Philolaos, Denis Mondineu) sont plus spécifiques aux débuts ou à la fin. Comment évolue juridiquement et politiquement le contexte de la création artistique entre le début des années 1970 et la fin des années 1990 ?

 

Quel a été le degré d’appropriation de cette expérience ?

 

 

            A l’image des villes nouvelles, l’art public a été voulu et porté par l’Etat. Dans quelle mesure peut-on parler de commande publique imposée aux territoires ? Comment a évolué cette commande ? Quelle part ont pris les élus locaux dans ces projets ? Les ont-ils reçus ou subis ? Que constitue pour aux aujourd’hui cet héritage ? Peuvent-ils s’en dédouaner ?

            Pour les artistes militants des années 1970, la création dans l’espace public induisait que les habitants s’empareraient des œuvres. Comment les habitants ont-ils vécus l’arrivée de ces œuvres ? A-t-on proposé partout des symposiums, permettant de montrer en direct la création (Sénart, Elancourt, le Vaudreuil) ? L’art public a-t-il fait partie des débats conduits dans les ateliers populaires d’urbanisme, qui se sont créés dans les années 1970 (Cergy, Saint-Quentin-en-Yvelines) ? A-t-on, dans ce cadre, réussi à repositionner le débat sur l’art contemporain, en réduisant la fameuse distance entre le grand public et les artistes ? Comment aussi rendre compte de l’évidence d’un glissement de la question de l’appropriation (prendre le risque de mettre en danger les œuvres au nom de la nécessaire démocratisation de l’art) vers celle de la patrimonialisation (revendication, par les artistes eux-mêmes, de la sacralité des œuvres et de la nécessité de les protéger du vandalisme ordinaire) ?

            Passé le temps de la création, un certain nombre d’œuvres ont subi des dégradations, certaines disparaissant purement et simplement du paysage comme l’œuvre de François Cante-Pacos au parc des Coudrays à Elancourt. Cette situation est-elle générale aux villes nouvelles ? Comment expliquer la rapidité de l’inversion du statut de l’art public sur certains sites ? Faut-il incriminer les problèmes de gestion courante face à des matériaux fragiles (plastique, terres cuites, bois, fontaines) et exposés ? Faut-il au contraire s’interroger sur le manque de motivation des élus locaux, peu enclins à défendre un art pour lequel ils ressentaient peu d’affinités ? Comment décrire la dialectique qui semble s’instaurer aujourd’hui sur certains sites entre des habitants qui dénoncent la dégradation de leur environnement artistique, des artistes qui recherchent le moyen de légitimer leur travail au nom de la place qu’ils revendiquent dans l’histoire de l’art et des élus qui gèrent de manière parfois opportuniste ces dossiers au long court ?

            A l’opposé de ce tableau noir, le travail pédagogique conduit par le Musée de la Ville de Saint-Quentin-en-Yvelines vise à permettre à un large public de s’approprier son environnement artistique et urbain. Rallyes du patrimoine, animations familiales, expositions permettent de créer des liens originaux entre art urbain et habitants des villes nouvelles. Cette expérience originale et reconnue par les instances de tutelle est-elle généralisée ou généralisable en villes nouvelles ? Comment se manifeste ailleurs l’appropriation de l’art public ?

 

            C’est ce type de questions que la journée « Quarante ans d’art urbain dans les villes nouvelles (1968-2008) » souhaite poser, en réunissant une assemblée de chercheurs intéressés à ces questions, mais aussi en s’ouvrant à un certain nombre d’acteurs (artistes, architectes, urbanistes, conservateurs du patrimoine, etc.) confrontés aujourd’hui au devenir d’une histoire dont la connaissance s’avère nécessaire.

           

Les propositions de communication (titre et dix lignes de description) sont à adresser avant le 1er juin 2007 à Loïc Vadelorge, coordonnateur de cette journée d’études.

 

 

Contact :

 

Loïc Vadelorge

 

Maître de conférences en histoire contemporaine, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

 

Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines

 

 

Adresse:

 

47 bd Vauban, 78 047 Guyancourt cedex

 

 

Tél:

 

01 39 25 56 41

 

 

Mail :

 

loic.vadelorge@wanadoo.fr

 

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